Des regrets, bien sûr. Pourquoi n’avais-je pas insisté pour prendre son numéro ? Pourquoi n’avais-je pas posé de questions ? Je ne me rappelais plus si le type que nous avions croisé à la Factory s’appelait Richard ou Eric ? Et puis quelle différence ? Je me rendis dans une bibliothèque pour explorer la vie d’Andy Warhol. Tiens, exposition à Venise au Campo San Lorenzo en 1977. J’étais à l’école, il était trop connu déjà pour qu’il soit nécessaire de mettre sur l’affiche des photos d’œuvres et un visage accolé à son nom. Les six lettres Warhol suffisaient. Je tournai les pages de cette monographie. Mon œil s’arrêta sur le mot « Superstar ». Richard ou Eric avait appelé l’inconnue Superstar. J’avais retenu ce mot explosif, sans savoir que la référence était précise. Oui, apparemment, Warhol nommait Superstar les gens de son entourage auxquels il offrait une notoriété quasi instantanée. L’adoubement des Superstars s’était interrompu en 1968, donc, clairement, l’emploi du mot pour s’adresser à l’inconnue l’autre soir était ironique, la mort du maître leur permettait de parler librement dans l’antre sacrée qui attendait certainement un inventaire. Jamais ils n’auraient osé ce qualificatif devant le maître. Les indices étaient rares, mais je devais me rendre là-bas. 22 East 33e Rue.

De jour, tout changeait. L’entrée monumentale envahissait la façade du bâtiment dont l’origine, un générateur électrique, était toujours visible à travers le mot Edison et quelques éclairs stylisés creusés dans le granit. De nuit, les barres de néons donnaient un aspect moderne qui disparaissait le jour. Pas de sonnerie. Une seule serrure au porche d’entrée. L’inconnue devait avoir la clef.